Clause impact jeunesse – vers un renforcement de l’évaluation ex-ante en France ?

La création de la clause d’impact jeunesse

Lundi 2 mai, le Premier ministre a signé une circulaire introduisant “l’évaluation systématique de l’impact des projets de loi et de textes réglementaires sur la jeunesse”.

En application de cette circulaire, les services de l’Etat devront analyser chaque projet de texte avec le prisme de ses conséquences sur les jeunes pour éviter leur mise à l’écart dans les politiques publiques.

«Cette évaluation permettra d’anticiper précisément les conséquences de ses mesures pour la situation des jeunes, aujourd’hui et dans l’avenir»

Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, cité par la croix

C’est quoi, une “étude d’impact” ? est-ce une évaluation ?

D’abord, rappelons que depuis 2009 le Gouvernement est tenu d’accompagner tout ses projets de loi d’une étude d’impact.

L’étude d’impact s’attache à fournir une évaluation préalable de la réforme envisagée, aussi complète, objective et factuelle que possible (…)

Elle procède à (…) l’évaluation des incidences de toute nature, de façon globale mais aussi par catégorie de personnes physiques ou morales concernées et pour les différentes administrations publiques ayant à connaître de la matière

Explication de texte, par legifrance

Dans le jargon d’évaluateur, ce serait une évaluation ex-ante. Dans la pratique,  les études d’impacts sont très inégales, se résumant encore souvent à un exposé des motifs et un argumentaire confirmatoire (voir sur ce sujet la section consacrée aux études d’impact du rapport du Sénat sur l’application des lois 2012-2013).

Qu’est ce qui change avec la clause d’impact jeunesse ?

Ce que la nouvelle circulaire change, c’est la nomination d’une catégorie particulière – les jeunes – à étudier de manière systématique dans le cadre de ces études d’impact.

Les spécialistes des luttes contre les discriminations reconnaîtrons le procédé, qui consiste à reconnaître que certaines catégories de populations sont touchées différemment par les politiques publiques, même lorsque ce n’est pas leur intention (par exemple,  les politiques de soutien à la parentalité touchent souvent moins les hommes que les femmes).

Cela amène trois questions :

  • Les “jeunes” (jusqu’à 25-30 ans tout de même) seraient-ils défavorisés consciemment ou inconsciemment par les projets de loi ?
  • Si l’on peut cibler ainsi des publics à protéger, ne faudrait-il pas étendre le principe à d’autres publics fragiles, d’autres “minorités” ? (selon le genre, l’orientation sexuelle, l’outre-mer, les handicaps, etc.).
  • Enfin, les Ministères seront-ils en capacité de procéder rigoureusement à l’estimation prospective des impacts sur la jeunesse d’aujourd’hui et de demain ?

La vigie se gardera bien de répondre à ces questions, éminemment politiques et discutables, mais invite chacun à se les poser.

Quel accompagnement pour la clause d’impact jeunesse ?

Face à cette nouvelle obligation, les services en charge des études d’impact devront pouvoir se reposer sur l’expertise du ministère de la Jeunesse.

2016-05-04 00_29_50-Photos

Étapes à suivre pour déterminer l’impact d’un projet de texte sur la jeunesse (Extrait du mémento )

En outre, la circulaire est accompagnée d’un “mémento”, document d’une quinzaine de pages destiné à aider les services en charge à mettre en application cette nouvelle demande. Ce document assez soigné et didactique témoigne d’une volonté certaine d’application. On y trouve notamment un modèle de fiche d’impact tout à fait éclairante.

Enfin, le Gouvernement attend chaque année un rapport d’activité retraçant ses observations sur l’évaluation des impacts des projets de textes législatifs ou réglementaires sur la jeunesse, remis par le “conseil d’orientation des politiques de jeunesse”

Mais finalement, à qui et quoi servent les études d’impact ?

L’obligation créée en 2009 n’a pas généré une littérature abondante sur les effets de ces études d’impact, et l’on trouve des opinions très divergentes sur la question.

L’on pourra par exemple intéresser au jeu de pouvoir entre l’exécutif et le Parlement.

L’étude d’impact est très généralement réalisée par le ministère ayant pris l’initiative de la réforme. Elle est supposée nourrir la réflexion de l’exécutif, et non pas seulement la justifier après coup.

Pour Bertrand-Léo Combrade (doctorant contractuel, Université Paris 1 – Ecole de droit de la Sorbonne), les études d’impacts sont certes une contrainte pour le Gouvernement, mais elles lui permettent de bénéficier de la légitimité de l’expertise, que le Parlement aura grand mal à remettre en cause efficacement.

Mais le Parlement dispose d’autres forces, et la page etudesimpact.assemblee-nationale.fr propose à tout chacun de lire et de commenter ces études d’impact ! En somme, un contrôle citoyen auprès de la représentation nationale, pour contre balancer le pouvoir des experts ?

Nouveau retournement avec la clause d’impact jeunesse, voici que le Gouvernement annonce qu’il “publiera sur le site jeunes.gouv.fr les études d’impact des projets de loi et les fiches d’impact des textes réglementaires dès lors que les jeunes en seront le public visé“.

Pour aller plus loin

  • La circulaire du 2 mai 2016 instaurant la clause impact jeunesse

Télécharger (PDF, 195KB)

  • Le Mémento d’accompagnement

Télécharger (PDF, 189KB)

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.