À la rentrée, il s’est passé quelque chose d’extraordinaire à l’échelle de notre tout petit monde de l’évaluation. Pour la première fois depuis bien longtemps, une tribune dans le Monde parle de l’évaluation dans toute la diversité de ses pratiques, en mettant le doigt là où ça fait mal, sur la capacité de l’évaluation à changer les pratiques.
Valéry Ridde, évaluateur, chercheur, spécialiste des politiques publiques de santé, évoque pêle-mêle dans cet article des évaluations inadaptées à la complexité des situations rencontrées, les (encore trop nombreux) chercheurs français retirés sur leur Aventin critique, l’influence disproportionnée des économistes empiriques sur le discours évaluatif et ses conséquences, le poids d’idéologies sous-jacentes à l’action publique (en parlant de la santé, mais cela vaut tout autant pour l’emploi, l’éducation, etc.) qui résistent à l’accumulation des preuves, etc.
Mais surtout, il appelle à mieux utiliser la recherche et l’évaluation pour améliorer l’action publique, dans le développement et ailleurs (et persiste et signe sur le blog de l’AFD, Ideas4development). Le constat est connu :
- les chercheur·e·s française·s se plaignent que leurs travaux de recherche ne sont pas suffisamment pris en compte par « le décideur ». Mais combien estiment que leur rôle n’est que de mettre à disposition, charge au politique d’aller chercher dans la recherche de quoi refonder son action publique ?
- les travaux des évaluateurs·rices sont (théoriquement) conçus pour alimenter la prise de décision à venir. Mais combien de fois réinterrogent-ils la raison d’être des politiques publiques ? Quelles ressources, y compris méthodologiques, conceptuelles, ont-ils pour donner à voir le pourquoi et le comment ça marche, qui sont le meilleur moyen d’améliorer l’action publique ?
- et les fameux·ses « décideur·e·s » ? Ils portent un discours sur le recours à des données probantes, mais jusqu’à quel point sont-ils prêts à remettre en cause les fondements de l’action publique sur la base de ces fameuses données ?
Nous disons que les courtiers en connaissances et les what works centres ne sont pas une baguette magique (ça n’existe pas!), mais ce sont de bonnes idées pour ces décideur·e·s qui sont prêts à penser différemment et à reconcevoir l’action publique en prenant en compte la connaissance accumulée.
Mais pour les autres? Plus de données ne les convaincra pas plus. La fabrique de l’action publique n’est pas et ne peut pas être qu’un processus consensuel où chaque partie veut le meilleur.
Nous pensons que les évaluateurs et les chercheurs ont leur propre responsabilité pour changer les choses, doivent se faire des [activistes de la connaissance](https://www.odi.org/sites/odi.org.uk/files/odi-assets/publications-opinion-files/194.pdf), et doivent le faire ensemble. Il est de la responsabilité des évaluateurs d’aller parfois plus loin que la commande qui leur est faite, quitte à assumer un “piratage bienveillant” au service de l’évaluation.
Qui parmi les chercheurs se fera courtier pour que les évaluateurs soient de jour en jour un peu moins artisans et s’appuient plus, à chaque étape de leur travail, sur ce que l’on sait de l’action publique ?
Comment les chercheurs peuvent-ils rendre explicites les théories du changement derrière l’action publique actuelle, pour les réinterroger en profondeur ? Peuvent-ils s’appuyer sur les évaluateurs pour mieux prendre en compte la sagesse pratique des décideurs et des parties prenantes, et ainsi rendre leurs connaissances opérationnelles ?
Dans les institutions qui parfois depuis longtemps évaluent leurs actions, quand arriveront les synthèses d’évaluation, les méta-analyses ou les méta-évaluations pour enfin tirer des leçons d’ensemble ? Comment impulser des processus de revue qui ne soient pas exclusivement financiers ?
Et enfin : comment armer collectivement les organisations militantes pour qu’elles évaluent massivement l’action publique et l’ébranlent dans ses fondements ?
Nous voulons des évaluations et une recherche sur l’action publique utile. Serons-nous prêts à nous en donner collectivement les moyens ?
Évaluation dans le secteur de la santé reste l’unique solution pour résoudre les problèmes d’échec dans ce secteur en Afrique
Bonjour,
je suis intéressée pour être informée de vos nouveaux articles et liste de diffusion.
Merci beaucoup.
Claire de Alzua
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